Développement d’interfaces cerveau-machine visant à compenser les déficits moteurs chez des patients tétraplégiques grâce à l’implantation d’un réseau d’électrodes corticales chroniques. Etudes expérimentales pré cliniques

Par Alim Louis Benabid et Thomas Costecalde

Financement en 2009

Montant : 60 000€

Points clés :

  • Les interfaces cerveau-machine (ICM) ou interfaces cerveau-ordinateur (ICO) cherchent à établir une communication directe entre le cerveau d’un individu et un dispositif électronique (robot, ordinateur…), de façon à piloter le dispositif (déplacer un curseur sur l’écran d’un ordinateur, faire fonctionner une prothèse, ou encore guider un fauteuil électrique). Ces interfaces s’appuient sur  l’analyse de l’activité électrique cérébrale de l’individu.
  • Ce projet visait à concevoir, réaliser, et valider in vivo chez le rongeur et le primate un prototype d’ICM permettant de compenser un déficit moteur (implantation d’électrodes corticales chroniques, et recueil et traitement des signaux corticaux en vue de l’exécution par commande cérébrale de tâches comportementales).
  • Ce travail a permis de montrer qu’une neuroprothèse élémentaire (un dispensateur de nourriture) peut être activée par la reconnaissance du signal électrique prédictif enregistré par des électrodes corticales. Il a ouvert la voie au développement d’interfaces cerveau-machine (exosquelettes) permettant de compenser des déficits moteurs. En juin 2017, un patient tétraplégique, Thibault âgé de 28 ans, a pu se déplacer et contrôler à nouveau ses mains grâce à un exosquelette.
Technologie

L'équipe

BENABID

Ce projet de recherche a été mené par Mr Thomas Costecalde sous la direction du Pr Alim-Louis Benabid (DTBS/CLINATEC, CEA, Université J Fourier, Grenoble)

Le Pr Alim Louis Benabid, docteur es Sciences Physiques, a été Chef du service de neurochirurgie du CHU de Grenoble. Il a reçu en 2014 le Prix spécial Albert Lasker en science médicale, décerné par la fondation américaine Lasker, pour ses travaux sur la maladie de Parkinson.

Contexte

En réponse au nombre croissant de handicaps d’origine cérébrale sources d’invalidités sévères, la recherche s’oriente vers le développement de neuroprothèses à commande cérébrale. Parmi celles-ci, les interfaces cerveau-machine (ICM) ou interfaces cerveau-ordinateur (ICO) cherchent à établir une communication directe entre le cerveau d’un individu et un dispositif électronique (robot, ordinateur…), de façon à piloter le dispositif (déplacer un curseur sur l’écran d’un ordinateur, actionner un interrupteur, faire fonctionner une prothèse, ou encore guider un fauteuil électrique) grâce l’analyse de l’activité électrique cérébrale de l’individu. Ces ICM visant à redonner une motricité à des sujets patients handicapés moteurs bénéficient des avancées majeures dans la compréhension du fonctionnement du cerveau, et représentent un espoir, pour des sujets présentant des voies nerveuses déficientes, de pouvoir interagir avec leur environnement et de le contrôler grâce à la restauration de membres paralysés ou au contrôle de systèmes robotisés.

Objectifs et Méthodologie

Ce projet mené au sein de l’équipe pluridisciplinaire de l’institut Clinatec visait à concevoir, réaliser, et valider in vivo chez le rongeur et le primate un prototype d’ICM permettant de compenser un déficit moteur (implantation d’électrodes corticales chroniques, et recueil et traitement des signaux corticaux en vue de l’exécution par commande cérébrale de taches comportementales).

Le projet consiste à implanter chirurgicalement une batterie d’électrodes sur le cortex sensori-moteur de singes et à recueillir de façon continue l’activité électrique du cortex superficiel. Les animaux sont entraînés à réaliser des tâches, ce qui permet de  relier l’activité motrice et comportementale à l’activité  électrique recueillie, et donc de définir les corrélations au niveau des électrodes entre le signal électrique et le mouvement. Ces analyses permettront de définir les caractéristiques du signal devant être choisi comme « driver » de la neuroprothèse.

Avant de mener ces expériences chez les singes, une phase d’expérimentation préalable était menée chez le rongeur. Des électrodes ont été implantées chez des rats qui ont été entraînés à pousser un levier d’un dispensateur de nourriture, déclenchant l’obtention d’une récompense. La signature cérébrale associée à la poussée sur le levier est détectée par électroencéphalographie. Un algorithme permet de détecter le signal électrique spécifique prédicteur de l’action de l’animal, à savoir pousser le levier pour obtenir une récompense. Une deuxième étape  a permis de détecter le signal électrique spécifique et d’envoyer l’ordre de libération de la récompense avant l’action de l’animal sur la pédale.

Résultats d'avancement

La première partie du projet menée chez les rongeurs a permis de montrer qu’une neuroprothèse élémentaire (dispensateur de nourriture) peut être activée par la reconnaissance du signal électrique prédictif enregistré par des électrodes corticales.

Ce travail s’est poursuivi chez des singes qui ont été entraînés à pousser sur un levier pour obtenir un jus d’orange ainsi qu’à activer des leviers permettant de piloter un bras motorisé.

Perspectives

Cette étape pré-clinique menée chez l’animal est le préalable au  développement de neuroprothèses pour la suppléance fonctionnelle des déficits moteurs, qui est un enjeu majeur de recherche et mobilise déjà plusieurs laboratoires dans le monde.

Cette recherche, qui porte sur le développement de systèmes d’acquisition des signaux neuronaux et de traitement de ces informations par ordinateur, requiert de nombreuses améliorations qui vont de la mise au point de matériaux biocompatibles facilement tolérés par le tissu cérébral jusqu’au développement de systèmes informatiques d’une grande complexité capables de répondre aux signaux émis par le cerveau d’une manière aussi efficace et précise que possible.

Cette recherche a franchi une étape majeure : Dans le cadre d’un essai clinique mené en juin 2017, un patient tétraplégique, Thibault âgé de 28 ans, a pu se déplacer et contrôler à nouveau ses mains grâce à un exosquelette. Concrètement, quand Thibault pense le mouvement, son cerveau émet des ondes électriques, qui sont captées par la neuro-prothèse (deux petites plaques de quelques centimètres carrés, bourrées d'électronique, implantées sur les deux hémisphères de son cerveau, juste sous la boîte crânienne), qui les analyse et transmet ces signaux à l'exosquelette, ce qui permet au jeune homme de faire bouger ses membres paralysés. Les résultats de cet essai clinique, ont été publiés le 4 octobre 2019 dans la revue scientifique américaine The Lancet Neurology.