Lésion cérébrales et capacités linguistiques

Comment se fait le développement du langage en cas de lésion cérébrale précoce ?

Par Ghislaine DEHAENE-LAMBERTZ

Nom du projet

Etude par imagerie cérébrale de l'impact des lésions cérébrales précoces sur les capacités linguistiques

L'équipe

Ce projet de recherche a été mené par le Dr Ghislaine DEHAENE-LAMBERTZ, pédiatre et directrice de recherche au CNRS (INSERM U562 Neuro-imagerie Cognitive, Orsay) sous la direction du Pr Stanislas Dehaene.

A mettre en évidence : Elle a reçu en 2011 le prix de la Fondation Motrice-Sodiaal pour son travail sur le rôle de la bouche et des mouvements articulatoires dans l’acquisition de la langue maternelle. Elle a également reçu le Grand Prix de la recherche de la Fondation de France 2015 pour ses travaux en neuro-imagerie du développement.

À retenir

– L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les potentiels évoqués permettent d’étudier le fonctionnement du cerveau et de comprendre les bases cérébrales des capacités d’apprentissage des nourrissons.

– Ces méthodes d’imagerie cérébrale mises au point chez le nourrisson normal permettent d’évaluer l’impact précoce des lésions cérébrales sur les capacités linguistiques et les réorganisations cérébrales que ces lésions entraînent.

– Chez les nourrissons souffrant de lésions importantes de l’hémisphère gauche, l’hémisphère droit semble pouvoir assurer, en cas de lésion, les fonctions normalement dévolues à l’hémisphère gauche pour l’acquisition du langage.

Chez l’adulte, le langage est traité par des régions très précises du cerveau (régions peri-sylviennes gauches). Lorsque survient une lésion de ces régions, les adultes présentent une hémiplégie associée à un problème dans la compréhension et/ou la production de la parole. L’apprentissage du langage commence dès la naissance et quand les nourrissons prononcent leurs premiers mots, ils savent déjà énormément de choses sur leur langue maternelle comme par exemple les sons qu’elle utilise ou encore comment ces sons se combinent pour faire des mots.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les potentiels évoqués permettent d’étudier le fonctionnement du cerveau et de comprendre les bases cérébrales des capacités d’apprentissage des nourrissons. Les études en imagerie chez le nourrisson publiées par l’équipe de G Dehaene-Lambertz ont ainsi montré que pour apprendre leur langue, les nourrissons utilisent les mêmes régions cérébrales que l’adulte, notamment dans l’hémisphère gauche. Que se passe-t-il alors si une lésion cérébrale détruit ces régions ? Comment s’effectue la récupération ?

L’objectif de projet était d’utiliser les méthodes d’imagerie cérébrale (potentiels évoqués, IRM) mises au point chez le nourrisson normal pour évaluer l’impact précoce des lésions cérébrales sur ses capacités linguistiques, les réorganisations cérébrales que ces lésions entraînent. Des nourrissons sains et des nourrissons présentant des lésions cérébrales ont ainsi été recrutés en région parisienne.

A l’âge de 3 mois, potentiels évoqués et images d’IRM fonctionnelle ont été analysés :

- Les potentiels évoqués sont enregistrés par des électrodes posées rapidement sur la tête des enfants grâce à un filet géodésique. La perception d’un changement de syllabe et celle d’un changement de timbre de deux tons ainsi que les répétitions de voix et de phrase sont testés. La topographie de ces effets permet d’étudier la latéralisation du traitement de la voix.
- En IRM, trois types de séquences étaient réalisées: une séquence anatomique pour visualiser les structures cérébrales, une séquence d’imagerie permettant d’étudier les effets à distance de la lésion, des séquences fonctionnelles reprenant les phrases utilisés en potentiels évoqués.

Une activation prédominante de l’hémisphère gauche est observée lorsque les nourrissons sains écoutent de la parole. Ce sont les mêmes régions le long du sillon temporal supérieur qui sont activées chez le bébé et chez l’adulte. Les premiers résultats chez les nourrissons souffrant de lésions importantes de l’hémisphère gauche ont montré que contrairement à ce que l’on observe chez l’adulte, l’hémisphère droit semble pouvoir assurer, en cas de lésion, les fonctions normalement dévolues à l’hémisphère gauche.

Des questions restent encore posées : Ces observations sont-elles généralisables ? L’hémisphère droit est-il aussi efficace que le gauche pour assurer l’acquisition du langage ? La redistribution des fonctions linguistiques sur l’hémisphère droit a-t-elle un coût, notamment sur les fonctions spatiales ? Comment les résultats observés à l’âge de 3 mois en imagerie se traduisent-ils en termes d’acquisition du langage?

Les travaux de G Dehaene se poursuivent en étudiant avec l’équipe qu’elle dirige les bases cérébrales des grandes fonctions cognitives (langage, nombre, attention…) chez l'enfant avec le support de technologies d'imagerie cérébrale avancées.

Pour aller plus loin

Dehaene-Lambertz, G., (2004). Bases cérébrales de l’acquisition du langage : apport de la neuro-imagerie, Revue de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 52, 452-459.
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Dehaene-Lambertz, G. Hertz-Pannier, L & Dubois. J (2006) Nature and nurture in language acquisition: Contribution of anatomical and functional brain imaging studies in infants. Trends in Neurosciences, 29(7), 367-373
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Dehaene Lambertz G Une réévaluation du rôle de la bouche et des mouvements articulatoires dans l’acquisition de la langue maternelle Mot Cereb 2012 (33):2-3
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