Placenta et Prématurité : Rôle du facteur trophique placentaire

Quelle relation entre placenta, prématurité et lésions cérébrales néonatales ?

Par Maryline LECOINTRE

Nom du projet

Placenta et Prématurité : Implication du facteur angiogénique PlGF dans les anomalies développementales des oligodendrocytes et des interneurones GABA fœtaux

L'équipe

Maryline Lecointre

Ce projet de recherche a été mené par Mme Maryline LECOINTRE au sein de l’Equipe 4 « Genetics and Pathophysiology of Neurodevelopmental Disorders » dirigée par le Dr Bruno GONZALEZ de l’Unité INSERM 1245 (Pr T FREBOURG – Université de Rouen). Mme LECOINTRE est docteur en Neurosciences.

À retenir

– Le placenta est un organe transitoire qui régule les échanges materno-fœtaux. Le facteur trophique placentaire (le PlGF) est en mesure d’atteindre le cerveau fœtal et participe au contrôle de la vascularisation du cerveau de l’enfant. La vascularisation cérébrale est d’autant plus importante que certaines populations nerveuses (les oligodendrocytes et les interneurones GABA), particulièrement fragiles chez l’enfant né prématuré, utilisent les micro-vaisseaux cérébraux pour leur mise en place.

– Les objectifs de ce projet de recherche pré-clinique visent à rechercher l’impact du facteur trophique placentaire sur la mise en place de deux populations cellulaires cérébrales (les oligodendrocytes et les interneurones GABA), et à déterminer si ces anomalies développementales contribuent à la grande fragilité du cerveau de l’enfant prématuré.

– Le projet a montré qu’une surexpression du facteur trophique placentaire (PlGF) est en mesure de corriger les anomalies vasculaires observées dans le cerveau fœtal dans un modèle pathologique chez la souris. Cet effet du PlGF est associé à des modifications de l’expression de marqueurs de cellules nerveuses (oligodentrocytes). Des travaux comparables seront menés pour cibler une population neuronale (interneurones GABAergiques). A plus long terme ce projet devrait permettre de promouvoir de nouvelles stratégies de prise en charge visant à réduire le risque de lésions cérébrales chez l’enfant prématuré

La naissance prématurée est un facteur de risque important d’apparition de lésions cérébrales néonatales pouvant conduire à des paralysies cérébrales dont le taux augmente de façon inversement proportionnelle à l’âge gestationnel. Toutefois, l’étiologie des paralysies cérébrales est complexe ; elle est globalement liée à un stress développemental dont les conséquences seront d’autant plus marquées que l’enfant sera né prématurément. Le placenta est un organe transitoire qui régule les échanges materno-fœtaux. Récemment, des travaux ont mis en évidence qu’un facteur trophique placentaire (le PlGF) est en mesure d’atteindre le cerveau fœtal et qu’il participe au contrôle de la vascularisation du cerveau de l’enfant. Cette vascularisation cérébrale est d’autant plus importante que certaines populations nerveuses (les oligodendrocytes et les interneurones GABA), particulièrement fragiles chez l’enfant né prématuré, utilisent les micro-vaisseaux cérébraux pour leur mise en place. Tous ces éléments ont conduit à émettre l’hypothèse que la désorganisation de la vascularisation cérébrale induite par l’absence du facteur trophique placentaire PlGF va perturber la mise en place des oligodendrocytes et des interneurones GABA. Cette désorganisation pourrait contribuer in fine à une plus grande vulnérabilité des oligodendrocytes et des interneurones GABAergiques chez l’enfant né prématuré privé de l’exposition au PlGF placentaire.

Les objectifs de ce projet de recherche pré-clinique visent :
- à rechercher par des approches moléculaires et morphométriques (densité cellulaire, positionnement au sein des structures corticales) l’effet d’une perte ou d’un gain de fonction par répression ou surexpression génique du facteur trophique placentaire (PlGF) sur la mise en place de deux populations cellulaires cérébrales (oligodendrocytes et interneurones GABA),
- à déterminer si ces anomalies développementales contribuent à une plus grande fragilité lors d’un stress développemental de nature excitotoxique (injection intracérébrale d’ibotenate). La caractérisation des atteintes cellulaires sera effectuée en utilisant les approches moléculaires et cellulaires mise en place au sein du laboratoire telles que l’expression génique par amplification après transcription inverse, l’immunohistochimie à l’aide d’anticorps ciblant les lignages GABAergiques et oligodendrocytaires, l’excitotoxicité ou encore la quantification de marqueurs d’apoptose.

Cette étude sera menée chez des souris génétiquement modifiées et à plusieurs stades de développement, de l’embryon à la souris âgée de 15 jours. La répression/surexpression du facteur trophique placentaire (PlGF) sera réalisée chez l’embryon de 13 jours (technique d’électroporation in utero placentaire associée à l’approche CRISPR/Cas9 ou /dCas9 Activation).

Ce projet s’appuie sur la démonstration préalable d’un axe fonctionnel «Placenta-Cerveau» impliquant le PlGF et ayant fait l’objet d’une publication récente et d’un brevet tripartite associant l’Université de Rouen le CHU de Rouen et Inserm transfert.

Les travaux menés indiquent qu’une surexpression placentaire du PlGF génère des fœtus macromorphes et modifie, au niveau cérébral, l’expression de protéines du lignage oligodendrocytaire. Ces données confortent l’existence d’un lien fonctionnel «Placenta-Cerveau» qui impacterait le neurodéveloppement.
Au niveau vasculaire, la surexpression du PIGF chez la souris ne modifie pas l’organisation des microvaisseaux corticaux qui présentent une structuration radiale préférentielle. En revanche, ces travaux soulèvent la question des troubles neurodéveloppementaux potentiels dans le cadre d’une dysfonction «Placenta-Cerveau». En effet, les résultats obtenus dans un environnement pathologique, l’alcoolisation fœtale, connue pour diminuer les taux placentaires de PIGF, ont révélé une désorganisation des microvaisseaux corticaux qui peut être corrigée par la surexpression placentaire de PlGF.
Il a été montré également une étroite interaction entre les oligodendrocytes qui intègrent le néocortex en développement et les microvaisseaux corticaux radiaux. Ainsi ces données suggèrent que la désorganisation des microvaisseaux impliqués dans la migration des oligodendrocytes à la suite d’une dysfonction placentaire pourrait contribuer au mauvais positionnement de ce type cellulaire.

Ce projet permet de mieux caractériser la contribution placentaire dans le développement cérébral.

Les résultats du projet suggèrent qu’au moins une population cellulaire, les oligodendrocytes, est impactée du fait de son étroite interaction avec les vaisseaux lors de la corticogenèse.

Des travaux comparables seront menés sur les interneurones GABAergiques qui utilisent, dans une certaine proportion, eux aussi les vaisseaux corticaux pour migrer. A court terme il est envisagé de regarder les effets d’une surexpression placentaire de PIGF dans un modèle lésionnel et, ces travaux soulèvent la question d’une désorganisation des microvaisseaux corticaux chez l’enfant né prématuré où, de facto, l’influence placentaire est perdue.

A plus long terme ce projet devrait permettre de promouvoir de nouvelles stratégies de prise en charge visant à réduire le risque de lésions cérébrales chez l’enfant prématuré.

Pour aller plus loin

Lecuyer M, Laquerrière A, Bekri S, Lesueur C, Ramdani Y, Jégou S, Uguen A, Marcorelles P, Marret S, Gonzalez BJ. PLGF, a placental marker of fetal brain defects after in utero alcohol exposure. Acta Neuropathol Commun. 2017, 5(1):44.
Lire l’article

Léger C, Dupré N, Aligny C, Bénard M, Lebon A, Henry V, Hauchecorne M, Galas L, Frebourg T, Leroux P, Vivien D, Lecointre M, Marret S, Gonzalez BJ. Glutamate controls vessel-associated migration of GABA interneurons from the pial migratory route via NMDA receptors and endothelial protease activation. Cell Mol Life Sci. 2019 Aug 7. doi: 10.1007/s00018-019-03248-5. Lire l’article

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