Perception de l’espace et locomotion

Parmi les troubles associés à la PC, ceux de la perception et de la cognition spatiale jouent un rôle très important, surtout chez les sujets ayant une PC spastique bilatérale, limitant l’expression complète de leur potentiel moteur. Les troubles perceptifs de ces sujets ont été souvent étudiés dans une perspective de perception statique et surtout visuelle, mais plus rarement dans une perspective de perception en action avec l’intégration de plusieurs informations sensorielles pendant le mouvement.

L’objectif de ce projet était de comprendre les stratégies de perception de l’espace pendant le mouvement chez l’enfant ayant une PC spastique bilatérale pour pouvoir envisager des nouvelles stratégies de rééducation.

La locomotion orientée par des cibles visuelles (« goal-oriented locomotion ») est un moyen d'évaluation des stratégies d'intégration visuomotrice. L'analyse de ce type de locomotion repose sur une approche globale des aspects spatiaux de la marche, c'est-à-dire la géométrie des trajectoires locomotrices du corps (formation des trajectoires) et des comportements de détour vers la cible des différents segments corporels.

Cette analyse du processus de perception de l’espace en situation de mouvement comportait deux volets : l’un dédié à la locomotion vers des cibles visuelles, et l’autre à la navigation sur un appareil permettant de capter automatiquement les déplacements du sujet selon les stimuli visuels envoyés. Trois cibles sont placées dans l'espace devant le sujet, l'une en face et les deux autres en avant et à côté du point de départ (l'une à droite, l'autre à gauche). La tâche est simplement d'atteindre la cible qui s'allume en marchant librement. Cette tâche a été réalisée dans deux situations : de locomotion indépendante et de locomotion escortée (présence d'un accompagnateur mais sans aucun contact physique). Dans une session suivante, le temps d'allumage des cibles était modifié, de sorte que le sujet découvrait soudainement sa destination lors du trajet, avec pour objectif de « forcer » la stratégie perceptive des sujets qui ne sont pas capables de tourner vers la cible.

Le laboratoire est aménagé avec un système de capture optoélectronique du mouvement, une plate-forme posturographique et un capteur photo-électrique. Le mouvement du sujet est analysé à partir des données numériques relatives au déplacement de 15 marqueurs réfléchissants placés sur son corps.

L’étude dédiée à la locomotion vers des cibles visuelles menée auprès de 16 sujets présentant une PC, âgés de 6 à 21 ans, d’un groupe de 16 enfants contrôles âgés de 4 à 16 ans et de 6 adultes contrôles, a montré que :
- l'aide (ou même l'influence) exercée par la présence de quelqu'un qui suit le sujet ne semble pas importante chez le sujet valide, mais joue un rôle fondamental chez quelques enfants avec PC.
- l'orientation des principaux segments corporels (tête, tronc et pelvis) se fait vers la cible d'une façon assez régulière par anticipation de la trajectoire par l'orientation de la tête. Cette anticipation de la trajectoire par l’orientation de la tête est constatée de façon moins régulière chez les enfants les plus petits et s’acquiert avec l’avancée en âge.
- Parmi les enfants ayant une PC spastique, pour des raisons « motrices » dépendant de la spasticité et du contrôle des membres inférieurs, il existe une moindre anticipation de la trajectoire par l’orientation de la tête (l’enfant semblant avoir la tête « attachée » à la cible centrale afin peut-être de stabiliser sa marche) et un délai de l'orientation de la tête à l'égard de la trajectoire. Dans ces cas-là, la manipulation des temps d'allumage s'est révélée capable de forcer l'attention visuelle aux cibles et de dégager ainsi la tête de sa fonction de stabilisation.

Ces premiers travaux permettent une meilleure connaissance des stratégies de perception de l’espace pendant le mouvement chez l’enfant avec PC. Ils devraient permettre d’envisager de nouvelles approches en rééducation.

Les travaux sur la locomotion au sein des équipes des professeurs Cioni et Berthoz se sont poursuivis avec le développement de nouveaux tests pour analyser la navigation dont notamment le « Magic Carpet » (tapis magique)